Pour introduire cet article, je vais commencer par préciser quelques définitions essentielles.
Dogme[1] : Proposition théorique établie comme vérité indiscutable par l’autorité qui régit une certaine communauté.
Religion[2] : Rapport de l’homme à l’ordre du divin ou d’une réalité supérieure, tendance à se concrétiser sous forme de systèmes de dogmes ou de croyances, de pratiques rituelles et morales.
Spiritualité[3] : Qualité de ce qui est esprit ou âme, concerne sa vie, ses manifestations ou qui est du domaine des valeurs morales.
Maintenant que nous sommes au diapason sur ces points de vocabulaire nous pouvons démarrer cette réflexion.
Depuis quelques années, nous observons un engouement grandissant pour l’Astrologie et le Tarot. Sur les réseaux sociaux la tendance médiévale corps se développe, et le succès des applications de méditation, l’explosion du #witchstock sur Tic Toc, marquent ce tournant. Une nouvelle vague de croyances additionnelles est déjà en train de déferler et c’est un phénomène majeur de notre époque.
Marc Bonomelli dans son ouvrage Les Nouvelles Routes du Soi: Immersion dans la nébuleuse des nouvelles spiritualités, nous parle de coming out spirituel.
En effet, l’auteur nous conte que lors de son adolescence il allait dans la librairie de sa petite ville native de Tarbes, à cette époque il fallait honteusement se faufiler au fond de la librairie pour glaner quelques livres que personne ne voulait sur l’ésotérisme et la magie. De nos jours, ces ouvrages sont produits par dizaine et sont présentés en vitrine des plus grandes librairies, accompagnés de pierres, de cristaux et même de planche de ouija… Mais alors, que s’est-il passé ?
L’émergence et le développement des réseaux sociaux ont permis de démocratiser tous ces sujets mais également de les rendre accessibles, voire attractifs, tendances.
C’est ainsi que nous assistons à l’émergence de plus en plus de néo-sorcières sur les réseaux sociaux, nous ne décomptons pas moins de 44 milliards de vues pour le #witchstock.
La pop culture a elle aussi énormément joué sur le développement de ces nouvelles spiritualités, nous pouvons citer notamment la série Charmed qui a connu un franc succès au point de donner lieu à des conventions et à la création de nombreux produits dérivés.
Cependant, il serait réducteur de placer ce réveil spirituel mondial sous le seul couvert d’un banal effet de mode.
Dans son ouvrage, Marc Bonomelli, revient sur de nombreuses expériences personnelles comme : des rituels chamaniques, des retraites de méditation, des marches dans le désert. Selon lui, ce qui rassemble ces nouveaux spirituels qui se classent dans « spirituel, mais pas religieux », c’est l’expérience personnelle, le vécu, les sensations. Ce nouveau spirituel ne croit pas parce que ça lui a été enseigné au catéchisme, il ne croit plus en une foi aveugle, mais en une foi de l’expérience. C’est un peu comme si la foi imposée par l’extérieur devenait une foi ressentie de l’intérieur. C’est parce que ces personnes ont senti leurs chakras s’ouvrir, ont traversé des états d’éveil, qu’elles ont perçu des synchronicités dans leur vie qui leur ont confirmé leur choix, qu’elles croient.
(Petit point vocabulaire, la synchronicité c’est quand les événements riment entre eux ; par exemple vous pensez à quelque chose et vous allez lire une info à ce sujet dans un livre, rentrer dans un magasin et le mot qui vous taraude est écrit en gros, bref la synchronicité ce sont les signes).
Tout cela fait écho à la légende personnelle dont parle Paolo Coelho dans l’alchimiste, ce désir personnel enfoui était ce que veut l’univers pour lui, sa mission de vie.
Ce que nous voyons dans ces nouvelles spiritualités, c’est cette liberté, pas d’enseignement, pas d’apprentissage, mais le la création, que nous pourrions même nommer révélation personnelle. Elle se construit en marge d’une obligation, comme une émancipation, une émancipation de la religion et aussi du rationalisme, du matérialisme et du consumérisme imposé par notre mode de vie actuel.
Pour donner un exemple plus palpable, nous pouvons penser à une personne qui aurait passé plusieurs années dans une routine qui lui aurait été vendue comme sécurisante et qui consisterait à travailler, rentrer chez elle, dormir, de nouveau travailler, rentrer chez elle et dormir et qui au bout d’un certain nombre d’années, finirait par rencontrer le tsunami qu’est le burnout.
C’est là que va commencer la quête de sens, cette personne va se demander « suis-je aligné à mes valeurs ? » La réponse à cette question peut éventuellement soulever un manque d’alignement ou de connexion avec son Soi authentique. En réponse, elle peut donc partir à la découverte de ce Soi authentique, un peu comme dans L’homme qui voulait être heureux de Laurent Gounelle.
Dans cet ouvrage, le philosophe, Laurent Gounelle, nous délivre le message que le bien-être passe d’abord par un travail sur soi. Il invite les hommes et les femmes à s’armer de volonté pour se réapproprier le droit à être heureux. Et c’est peut-être pour trouver ce bonheur, que ces nouvelles spiritualités se développent de plus en plus.
Dans ces nouvelles spiritualités il y a également un retour au cosmique, à l’énergie, à la croyance que tout est lié partout et principalement dans la nature.
Pour certaines personnes, la spiritualité va être simplement une marche en forêt, qui va les reconnecter à la Terre à l’odeur de la nature, à la mousse, à quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes. C’est presque une éco spiritualité.
Il est intéressant de noter que l’émergence de ces nouvelles spiritualités prend racine dans le siècle de la rationalité, celui des Lumières.
En effet, on aurait pu penser que le siècle des Lumières apportant une grande rationalité sur beaucoup de points, allait éteindre le principe même de religion, mais comme l’idée même de ces nouvelles spiritualités n’est pas en contradiction avec la rationalité, elles y trouvent toutes leur place, car le siècle des Lumières amène avant tout la subjectivité et le fait qu’une part de vérité peut être en nous-mêmes.
Marc Bonomelli parle même de mélange spirituel. En effet, à partir des années 2000, chacun peut commencer à créer, comme une composition culinaire, sa propre spiritualité. Il est désormais possible de pratiquer un cours de yoga, en rendant un hommage à Dieu, accompagné par le son de tambour chamanique. La spiritualité devient un peu un nouveau lieu de mélange, de métissage.
L’hybridation a toujours été à l’origine de la création des religions, mais normalement c’est un processus qui est long, allant au gré des rencontres de peuples différents qui se mélangent. Mais à l’heure de la mondialisation tout va très vite et nous assistons à une accélération de ces processus d’hybridation/création.
Dans son ouvrage Les cinq portes. Trouve le chemin de ta spiritualité le philosophe écrivain, enseignant de méditation, Fabrice Midal, nous parle d’une spiritualité ancrée dans le corps, une spiritualité que nous avons pour mission de retrouver, comme une quête.
Effectivement, parfois la religion permet de trouver la spiritualité, et parfois la religion empêche de trouver la spiritualité parce qu’elle est trop dogmatique. Parfois encore la dimension spiritualité est explorée par le monde de l’Art.
Pour Fabrice Midal, la spiritualité c’est accepter l’être humain comme il est, pleinement.
Dès lors, la spiritualité n’est plus éthérée, abstraite, mais reconnectée au désir, à l’amour, à ce qui nous fait vibrer. Elle se vit dans la simplicité du quotidien, son but étant d’accélérer l’embrasement qui est au cœur de nos vies et d’oser être talentueux.
Selon Fabrice Midal, le monde de l’efficacité dans lequel nous vivons abîmerait la spiritualité. L’embrasement spirituel serait alors un retour à la curiosité, au questionnement, mais aussi à l’opposition : dire non, faire effraction à ce nouveau dogme de la rentabilité permanente.
La spiritualité serait d’ouvrir la porte pour voir un peu plus loin.
Elle serait cette connexion au grand Tout, ce sentiment océanique, hors du temps, cette réconciliation avec le monde entier qui est en nous. Cette spiritualité serait transcendance, sentiment d’ouverture et distorsion du temps.
Les difficultés de la vie passeraient alors au second plan, devenant moins importantes.
Cette nouvelle spiritualité ancrée dans le réel est donc accessible à tous, êtres imparfaits que nous sommes.
Fabrice Midal propose l’exemple concret d’un Moine cuisinier du XVIIème siècle nommé Laurent de la résurrection.
Avant de devenir Moine, ce dernier s’essaie à l’armée qui ne lui plaît pas, puis il devient Hermite mais s’ennuie. Il travaille ensuite pour un noble mais ce n’est toujours pas ça… C’est alors qu’il se dirige vers les moines qui lui disent qu’il n’a pas assez d’éducation et qu’il est trop vieux pour devenir moine, mais il peut néanmoins devenir frère convers.
Les frères convers sont ceux qui travaillent, et il se retrouve en cuisine où il s’épanouit enfin ! Il écrit d’ailleurs un texte dans lequel il dit « je fais ma petite omelette et je suis tellement content, je suis le plus heureux des hommes en faisant mon omelette, alors après je remercie Dieu, voilà comment on rencontre Dieu ».
Il impressionne tout le monde par sa paix intérieure, il rayonne et même l’évêque vient lui demander son secret. Il lui répondra de ne pas se perdre en prière mais d’être simplement heureux de ce qu’il fait et que c’est là que se trouve Dieu.
La spiritualité se trouverait donc dans le faire, dans l’action, ancrée en chacun de nous.
Réveiller sa spiritualité en s’asseyant à la terrasse d’un café ou sur un banc public, en se permettant de s’émerveiller comme un enfant qui découvre le monde pour la première fois : l’émerveillement est spiritualité.
Plus encore que de sortir de la platitude de la routine, la spiritualité serait alors de revenir à ce qui nous fait vibrer et cette vibration peut être déjà en nous, dans cette routine, à chacun de la trouver.
Pour Fabrice Midal, la quête de spiritualité serait alors de chercher ce qui nous fait vibrer dans le « présent vivant », ce qui change du simple moment présent. En effet, le présent vivant inclue l’intention de ce que nous allons faire, ainsi que le passé que nous avons traversé et le futur que nous souhaitons construire.
Ces éléments montrent comment les nouvelles formes de spiritualité s’articulent autour de la quête de sens, l’expérience personnelle, et une certaine émancipation des structures traditionnelles. C’est une exploration dynamique et individualisée du spirituel, souvent en réponse à un monde moderne perçu comme aliénant et déconnecté des valeurs profondes de l’individu.
[1] Définition récoltée sur le centre national de ressources textuelles et lexicale en lignes https://www.cnrtl.fr
[2] ibid
[3] ibid